Qu’on leur coupe la tête !

Si vous avez lu Alice au Pays des Merveilles, vu les films de Walt Disney ou Tim Burton, les séries comme Once Upon a Time, Alice in Borderland, vous vous souvenez forcément d’elle. Capricieuse, impérieuse, imprévisible, la Reine de Cœur incarne une figure du pouvoir autoritaire poussé à l’absurde.

Dès qu’une situation lui déplaît, elle ne cherche pas à comprendre : “Qu’on lui coupe la tête !” ordonne-t-elle, sans cesse.

Mais d’où vient cette obsession chez cette souveraine aux pulsions sanguinaires ?

Une Reine inspirée de l’Histoire ?

Certains critiques littéraires ont avancé que Lewis Carroll, de son vrai nom Charles Lutwidge Dodgson, aurait pu s’inspirer de personnages historiques, en particulier du roi Henri VIII et de son épouse Anne Boleyn. La monarchie anglaise a en effet connu son lot d’exécutions spectaculaires, et la décapitation faisait partie des peines capitales les plus visibles de la période Tudor. Anne Boleyn, deuxième épouse d’Henri VIII, fut elle-même exécutée par le sabre en 1536, et son destin tragique, marqué par la paranoïa politique, résonne étrangement avec l’univers de Carroll où la logique du pouvoir semble toujours au bord de la folie.

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Mais cette théorie reste spéculative. Et Carroll n’a jamais confirmé une telle source d’inspiration. Le monde d’Alice, bien que truffé d’allusions et de jeux de miroirs avec la réalité victorienne, échappe à l’analyse linéaire. Il préfère la déformation, le rêve éveillé, la logique inversée.

Une Reine comme métaphore de la douleur ?

L’un des éléments que l’on connait de la biographie de Lewis Carroll est son état de santé. On sait aujourd’hui qu’il souffrait de violentes migraines, parfois accompagnées d’hallucinations visuelles, de troubles de la perception du corps, et même de phénomènes proches de la déréalisation (d’après le site du manuel MSD pour professionnels (qui propose une publication médicale de référence financée par les laboratoires Merck), le trouble de déréalisation est une forme de trouble dissociatif qui consiste en une expérience prolongée ou récurrente de détachement de son propre corps ou de son fonctionnement mental, avec l’impression d’être dissocié de son environnement). Ces symptômes sont aujourd’hui regroupés sous un nom qui fait sourire : le syndrome d’Alice au Pays des Merveilles.

File:Life and Letters of Lewis Carroll - Lewis Carroll - page 334.jpg

Ce syndrome neurologique provoque des distorsions de la perception : les objets peuvent sembler plus grands ou plus petits qu’ils ne le sont, les sons peuvent être perçus de façon étrange, et le temps lui-même peut sembler ralentir ou s’accélérer. Il n’est pas difficile d’imaginer combien ce type d’expérience a pu influencer l’écriture d’un monde aussi mouvant, absurde et troublant que celui d’Alice.

Et si la Reine de Cœur, avec ses colères brutales et ses menaces répétées, n’était pas seulement une caricature de pouvoir… mais aussi une personnification de la douleur ? Cette douleur insupportable, localisée dans la tête — toujours la tête — qui surgit sans prévenir et exige qu’on y mette fin. “Qu’on leur coupe la tête !” pourrait alors être entendu non plus comme une menace vers l’extérieur, mais comme un cri intérieur : “qu’on me coupe cette tête douloureuse, qu’on me libère !”.

À travers cette Reine impulsive, qui règne sur un royaume de cartes à jouer, Carroll donne aussi à voir une critique subtile du pouvoir absurde, de la justice expéditive et des règles sans fondement. Derrière le grotesque se cache le symbolique. Derrière la satire, l’intime.

La Reine de Cœur a de multiples facettes :
la souveraine tyrannique, caricature de l’autorité sans intelligence,
la douleur incarnée, surgissant par crises et réclamant une libération radicale,
la folie ordinaire, amplifiée par les règles d’un monde illogique.

Et c’est peut-être dans cette complexité que réside la force du personnage. Elle n’est pas seulement un monstre de papier : elle est aussi un miroir, déformant mais révélateur, de ce que peut ressentir un esprit plongé dans la confusion, la souffrance ou le cauchemar.

Et dans le tarot ?

Vous reconnaîtrez peut-être dans la Reine de Cœur une cousine trouble et tranchante, littéralement et symboliquement, de l’Impératrice (renversée) : autorité maternelle destructrice, excès d’émotion, ou encore volonté de contrôle poussée à l’extrême.

Carte de Tarot III L'impératrice

Mais là encore, rien n’est figé. La Reine de Cœur, comme tous les symboles puissants, résiste à la réduction et se prête aux métamorphoses — comme Alice elle-même, qui change de taille au fil de l’histoire.


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